Les bureaux du président Félix Tshisekedi n’y sont pas allés de main morte en accusant les évêques catholiques d’ »activisme insurrectionnel ». Joseph Kabila ne l’avait pas osé, à l’époque où l’Eglise soutenait moralement les « marches des chrétiens » organisées par des laïcs pour exiger le respect de la Constitution et la tenue des élections, après que ce chef d’Etat eut postposé les scrutins (le fameux « glissement »), dus fin 2016; ils n’eurent finalement lieu que deux ans plus tard, sur pression de ces protestations. A l’époque, l’UDPS et Félix Tshisekedi ne voyaient rien à redire à « cet intérêt toujours soutenu des prélats catholiques » pour le respect des droits des citoyens.
Une « immixtion (…) ahurissante »
Entretemps, toutefois, l’Eglise a dénoncé le tour de passe-passe électoral qui a abouti à un accord de partage du pouvoir entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, pour accorder la Présidence au second en échange de la majorité dans les assemblées législatives pour le premier. Les résultats détaillés des élections de décembre 2018 n’ont jamais été publiés par la Ceni (Commission électorale nationale indépendante); ceux des comptages parallèles de l’Eglise et d’ONG donnaient Martin Fayulu vainqueur, loin devant Félix Tshisekedi et le candidat de Kabila.
On sait qu’après deux ans d’un immobilisme prévisible, Félix Tshisekedi a – moyennant plusieurs viols de la Constitution et des règlements – réussi à priver son mentor de sa majorité et entend désormais gouverner à sa guise, mais le chef de l’Etat ne pardonne pas aux éminences catholiques. Il dénonce aujourd’hui une « immixtion (…) ahurissante », rappelant avec aigreur que la Cenco (Conférence des évêques catholiques du Congo) avait déjà « trouvé à redire » sur les résultats électoraux officiels de 2018, « prétextant qu’ils ne correspondaient pas à ceux collectés par sa propre mission d’observation ».
Régression des droits de l’Homme
Dans une déclaration rendue publique lundi dernier, la Cenco avait déploré la « régression » constatée en RDC en matière de droits de l’Homme, après les « avancées » qui avaient suivi l’investiture de Félix Tshisekedi, en janvier 2019; recommandé au chef de l’Etat de veiller sur le « profil éthique des membres du prochain gouvernement et des gestionnaires des entreprises publiques »; et appelé le gouvernement à « tout mettre en œuvre pour gagner le pari de l’organisation d’élections crédibles, transparentes et apaisées en 2023 et pas plus tard » – rappel du « glissement » sous Kabila.
Piquée au vif par ce communiqué épiscopal (« pour peu, on croirait à un désir de buzz »), la Présidence assure qu’ »il y a lieu de s’interroger sur leur scepticisme dans la mesure où le moindre soupçon de « glissement du mandat » n’a jamais effleuré l’esprit de celui à qui les Congolais ont confié leur destinée par la voie des urnes en décembre 2018″ (sic).
« D’autres préoccupations »
Dénonçant « un engagement excessif » des prélats « qui les place paradoxalement loin de leur sacerdoce et des lieux de culte », le communiqué de la Présidence estime que « le peuple congolais a d’autres préoccupations, liées à l’amélioration de ses conditions de vie », préoccupations qui sont « des chantiers prioritaires pour lesquels le chef de l’Etat s’investit corps et âme et ne ménage aucun effort ». Et d’indiquer que des projets de loi relatifs au sytème électoral, à la loi électorale et à la Ceni « sont en attente d’être examinés au parlement, cette institution dont la majorité a basculé, laquelle donnera les coudées franches au Président de la République dans la matérialisation de sa vision au profit de ses concitoyens ».
Bref, « à présent qu’un brin d’éclaircie commence à poindre à l’horizon, la sortie de la Cenco apparaît comme un coup de pied gratuiit dans une fourmilière, sans savoir exactement ce qui en résulterait ».
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Source : AL