RDC : Le nouveau président a du pain sur la planche
Écrit par FiziMedia sur janvier 21, 2019
Officiellement vainqueur de la présidentielle du 30 décembre 2018, selon des résultats qui ne convainquent que ceux qui veulent être convaincus, Felix Tshisekedi, qui sera investi ce mardi ou jeudi, sera-t-il un roi fainéant, laissant le pouvoir réel à son prédécesseur? Ou tentera-t-il de mettre à profit les pouvoirs reconnus au chef de l’Etat par la Constitution, accrus par Joseph Kabila depuis son élection à la Présidence en 2006? Il a, en tout cas, du pain sur la planche.
Si les premières années au pouvoir de Joseph Kabila avaient vu de grands progrès en matière de pacification, de réunification du territoire et de stabilisation macro-économique, depuis les élections présidentielle et législative de fin 2011, jugées “non crédibles” par les observateurs, les autorités de Kinshasa ont essentiellement travaillé à se maintenir au pouvoir, tandis que la famille Kabila s’enrichissait. En conséquence, la situation s’est dégradée.
Plus de 13 millions de personnes en insécurité alimentaire
Alors que les Congolais ont surnommé Joseph Kabila “le propriétaire” en raison du nombre de ses terres, mines et immeubles, le Congo était le 166ème pays le plus corrompu du monde, sur 183, en 2017, indique Transparency International. Le franc congolais, qui avait chuté de plus de 30% entre début 2017 et début 2018, ne s’est pas redressé depuis lors même s’il est stable aujourd’hui.
Plus de 13 millions de Congolais étaient en insécurité alimentaire en 2018, dont quatre millions d’enfants qui souffrent de malnutrition aiguë. La situation s’est considérablement dégradée de 2017 à 2018 puisque le nombre de zones de santé en état d’alerte a quasiment doublé, passant de 7,5% à 14%, indiquait une enquête officielle publiée en décembre 2018. Mais Joseph Kabila, comme ses prédecesseurs, a négligé l’agriculture, alors que le Congo n’exploite que 10% de ses terres arables, qui dépassent les 80 millions d’hectares, tandis que le pays consacre plus d’un milliard de dollars aux importations agricoles.
Rechercher l’autosuffisance alimentaire
Même le monde des affaires souligne l’importance de s’atteler enfin à l’agriculture dans ce pays où le PIB ne dépasse pas 40 milliards de dollars, soit un revenu moyen de 1,25 dollars par jour. Il invite depuis des années les autorités à avoir une politique agricole, inexistante jusqu’ici, afin de favoriser l’autosuffisance alimentaire. Le régime Kabila a bien publié une nouvelle loi agricole, mais elle ne répond pas aux demandes: la propriété des terres villageoises reste généralement collective, ce qui décourage le petit agriculteur d’investir; l’Etat exige une majorité congolaise – donc une direction congolaise – dans les grandes entreprises agricoles, ce qui décourage les investisseurs étrangers.
Peu de routes de desserte agricole ont été aménagées durant les 18 ans de Présidence Kabila et seulement 3400 km de routes sont bitumées (dans un pays de 2,5 millions de km2), ce qui décourage le transport des produits vers les marchés. Il n’y a aucune politique d’aide à l’équipement des petits paysans, qui restent enfermés dans une agriculture de subsistance.
En décembre dernier, on déplorait une invasion de criquets dans le territoire de Kailo (Maniema) et de chenilles légionnaires à Kamina (Haut-Lomami) mais les autorités locales n’ont reçu aucune aide de Kinshasa.
Pas d’électricité et de multiples conflits
Après 18 ans de régime Kabila, moins de 15% de la population a accès à l’électricité, principalement dans les villes. Le projet de mega-barrage d’Inga est retardé par la volonté de la Présidence de garder la main mise sur le projet au lieu d’en confier la supervision au gouvernement et par l’appétit du gain de certains promoteurs, qui mettent la charrue avant les boeufs en voulant construire une première phase sans rapport avec les besoins réels du marché de l’électricité africain
Félix Tshisekedi a aussi du plain sur la planche pour résoudre les conflits armés – souvent attisés par des politiciens locaux ou de Kinshasa – qui empêchent une vie et des récoltes normales dans les deux Kivu (est), en Ituri (nord-est), au Tanganyika (sud-est). Le grand Kasaï (centre) – région d’origine des Tshisekedi – continue, quant à lui, de souffrir des conséquences de la révolte dite Kamwina Nsapu (contre l’abandon de la région par les autorités) et de la répression qui a suivi, avec utilisation de milices tribales qui ont déstabilisé la cohabitation.
Dans certaines zones kasaïennes (Demba, Dimbelenge, Kamiji), le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans dépasse 4/10.000 habitants par jour. Et dans le fertile Masisi (Nord-Kivu), le taux de mortalité des enfants malnutris s’est accru à 8%, selon Médecins Sans Frontières.
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source: AL